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“Le leadership régénératif, où comment passer d’un ego-leadership à un éco-leadership”

La CEC accompagne la bascule de ses participants vers l’économie régénérative par la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociaux, et l’adoption de nouvelles formes de leadership. L’intelligence collective est au cœur de ce processus. C’est ce que nous allons découvrir avec Lorène Verdeil et Olivier Maurel, co-pilotes Intelligence Collective du parcours CEC Nouveaux Imaginaires.

Olivier Maurel, Lorène Verdeil et Mathieu Thomé, coachs-facilitateurs sur le parcours CEC Nouveaux Imaginaires © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] En quoi est-ce essentiel d’accompagner les dirigeants à envisager de nouvelles formes de leadership pour mener à bien la transition écologique et sociale ? Qu’est-ce que cela raconte en termes de récits ? 

[Olivier Maurel] Nous étions dans un monde que l’on croyait dominable, maîtrisable depuis Descartes, Bacon, Galilée. On se rend compte que la vie est mouvement, et que le monde est VUCA (volatile, incertain, complexe et ambigu). Nous devons sortir du mode “pilote automatique” pour aller vers quelque chose de plus fluide, plus vivant, plus organique. D’où l’importance de travailler sur les représentations des dirigeants.

[Lorène Verdeil] La CEC dès le départ s’adresse aux dirigeants car ce sont eux qui impulsent le changement, qui sont en capacité de le produire, de le soutenir. Au-delà de les informer avec des contenus de haut niveau pour toucher “la tête”, il s’agit de les mettre en capacité d’agir, en “ouvrant les cœurs”.

[Olivier Maurel] Nous avons grandi avec des représentations de croissance et de monde infini. Pour aller vers l’économie régénérative nous devons prendre conscience de l’existence du plafond environnemental et du plancher social (le donut de Kate Raworth). Il s’agit de sortir des excès d’une logique égotique, individualiste – faite d’avidité, d’accaparement et de court termisme, pour aller vers une sagesse qui intègre davantage les grands principes du vivant. Sortir d’une société de conquête et de toujours plus, où consommation rime avec des déséquilibres de compensation (trop souvent on consomme pour se consoler ou compenser quelque chose ; le système se développe en nous renvoyant des faux besoins : pas assez riche, pas assez beau, pas assez…). C’est le passage de l’ego à l’éco. Le passage à l’écoleadership ! 

Lorène Verdeil et Olivier Maurel au lancement du parcours CEC Nouveaux Imaginaires en mars 2024 – © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] Comment la CEC accompagne-t-elle la bascule personnelle du dirigeant ? 

[Olivier Maurel] Pour accompagner ce changement de logique, nous devons mener un travail de 3 ouvertures : celle de l’esprit, la curiosité, avoir un regard neuf ; l’ouverture de cœur, sentir les interdépendances et reconnaître que nous sommes des êtres sensibles, avec nos émotions (la peur, la joie, la colère, la tendresse…) et se connecter au vivant ; l’ouverture de la volonté pour lâcher prise, et accueillir ce qui émerge. 

A côté des conférences plénières d’experts qui sont des temps essentiels de connaissance, d’inspiration, de hauteur de vue, nous menons un travail d’expérience, des processus d’intégration, dans un format appelé “camp de base”. C’est le principe de deep ecology : une expérience profonde qui amène à un questionnement profond puis à un engagement profond. Nous voulons répondre au “knowing doing gap”, l’écart entre le “je sais” et le “je fais”. Il ne suffit pas de savoir : nous devons combler ce vide par l’expérience et le partage de pair à pair.

[Lorène Verdeil] Nous mobilisons principalement deux approches, la Théorie U (Otto Scharmer) et le Travail Qui Relie (Joanna Macy), qui permettent aux dirigeants de s’ouvrir pour intégrer ces informations au plus profond d’eux et s’en servir ensuite pour rediriger l’activité de leur entreprise. Nous leur offrons des espaces sécurisés et confidentiels dans les camps de base, où ils peuvent s’autoriser à être authentiques et vulnérables. 

Séquence de camps de base en extérieur, en session 3 – © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] Le succès de la CEC repose aussi sur l’accompagnement des dirigeants par des Coachs-Facilitateurs (les CoFas) en camps de base ? Quel est leur rôle ? 

[Lorène Verdeil] Les CoFas sont à la fois des anges-gardiens et des mouches du coche, du groupe et parfois des individus le composent ! Ils doivent créer le cadre de confiance du groupe, lui proposer de bonnes manières d’avancer, et questionner le dirigeant pour monter son niveau d’exigence et l’aider à faire émerger sa feuille de route.  

[Olivier Maurel] Le camp de base est un espace d’intégration de ce qui s’est dit en plénière, pour s’approprier pleinement la manière dont ces nouvelles cartes résonnent avec les expériences propres de chaque dirigeant. C’est aussi un espace d’interaction, où l’on travaille sur des formats à géométrie variable (à 25 personnes, comme à 5, à 2 ou même tout seul pour des temps d’introspection). Cela crée plus facilement du lien, des cordées. 

[Lorène Verdeil] Je vous partage cette petite anecdote qui révèle la force de ce format : chaque camp de base pense qu’il a les meilleurs CoFas et le meilleur camp de base. Même si le meilleur camp de base était évidemment Persée 😉 ! C’est un joli signe que l’accompagnement est bien fait, et que la méthodologie que l’on emploie est réplicable, sur plusieurs camps de base et sur plusieurs parcours. 

(Sic : Persée est le camp de base coanimé par Lorène. En effet, pour ce parcours des Nouveaux Imaginaires, chaque groupe avait le nom d’une constellation. Un rappel de l’importance de chaque individu dans la forme du collectif.)  

Dirigeants en pleine séquences de travail sur leurs feuilles de route en session 2 – © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] Comment se matérialise ce changement profond ? Comment savoir que la “méthode CEC” fonctionne ?

[Lorène Verdeil] Nous les voyons évoluer à chaque session : les participants arrivent en camp de base chargés de soucis, parfois découragés par ce qu’il se passe autour. Et à chaque fois ils repartent rechargés, régénérés par ces espaces de parole où ils peuvent déposer leurs craintes et leurs difficultés. Nous remarquons aussi que l’expérimentation active de la coopération tout au long du parcours leur donne envie de mettre en place des projets collectifs.  

[Olivier Maurel] Un autre indicateur est sans conteste l’implication des dirigeants, leur participation à chaque étape du parcours. 80% des dirigeants assistent à l’intégralité des 9 mois du programme. Ils maintiennent leur assiduité sur ces 12 (longues) journées, les intersessions et le travail sur leur feuille de route. Ils viennent car ils ne se sentent plus seuls face aux grandes questions que leurs responsabilités imposent, incluant même parfois naturellement de l’éco-anxiété. Certains dirigeants reviennent dans leur entreprise tellement énergisés par ces rencontres qu’ils organisent dans la foulée des sessions avec leur COMEX pour initier des conversations courageuses. 

Lorène Verdeil et Olivier Maurel lors du Forum Ouvert en session 4 – © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] Le parcours CEC Nouveaux Imaginaires a fait la part belle à l’intelligence collective, pourriez-vous nous raconter ? 

[Olivier Maurel] Notre parcours était emprunt d’une diversité d’acteurs, de profils. Il est le reflet de cette recherche de nouveaux imaginaires, au pluriel. Nous avons voulu accueillir la diversité des aspirations des participants, qu’ils soient les héros de leur propre parcours. Nous avons créé un comité de co-design de certaines séquences et de choix “à la carte”.   

[Lorène Verdeil] Le co-design a permis de changer la posture des participants, qui devenaient ainsi pleinement parties prenantes. Nous avons proposé un format de forum ouvert, où chacun, participants ou CoFas, a pu contribuer à la réflexion et à l’évolution des imaginaires.

[Olivier Maurel] Par ailleurs, nous avions pour mandat de partager ce que l’on faisait car la question des imaginaires est transverse à tous les parcours CEC. Nous avons collaboré avec d’autres parcours CEC, faisant naître par exemple le projet “Regen Space” pour apporter de nouvelles formes de collaboration et de régénération, où l’on prend davantage soin les uns des autres. Pour porter avec ambition des Feuilles de Route qui stimulent « nos Pourquoi et nos Quoi », nous souhaitons mettre de la lumière sur l’importance « des Comment et des Avec Qui » pour réussir ces évolutions. Ce sont des nouveaux repères pour une culture de la coopération, où l’on fait attention à la destination comme au chemin que nous parcourons ensemble.  

[Lorène Verdeil] J’ajouterais enfin que nous avons abordé les sujets en “intersectionnalité” : droits des femmes, banlieues, migrants, pour croiser les regards et réfléchir aussi aux questions de démocratie, de re-création du lien, de Faire société. Car c’est notre conviction :  nous pourrons changer les imaginaires dominants et faire évoluer les choses sur le climat et l’écologie, en refaisant société de façon plus sobre et plus coopérative.

Les 6 camps de base lors de la session 5 en décembre 2024 – © Photo – Thierry Mesnard

[Émilie Thiry] Avec quoi les participants repartent-ils d’après-vous ?

[Olivier Maurel] A l’occasion de notre session 6, nous avons senti de la force et du courage pour tenter des choses au sein même des organisations. Un niveau de conscience différent est en train de s’installer pour dépasser d’anciennes logiques qui, dans leurs excès, avaient pu contribuer à l’entretien de problèmes. Des actions de grande ampleur commenceront aussi par des améliorations très concrètes du quotidien. Pour autant, je crois que nous devons nous donner un peu de temps et quitter le mécanisme qui voudrait un effet « avant/après » immédiat : les transformations profondes s’inscrivent dans la durée.   

[Lorène Verdeil] C’est aussi pour cela que nous nous retrouverons pour une Cérémonie d’Envol en juin. Le voyage que nous avons commencé en appelle d’autres, avec les équipes des dirigeants mobilisés. L’intelligence collective, c’est d’abord auprès des équipes internes qu’elle va faire la différence.

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