les dirigeants de la CEC face à la régénération
- Marguerite Laborde
- Session 2, Témoignages de participants
INTERVIEW croisée
Que s’est-il passé pour vous depuis la session 1 ? Quel est votre ressenti après la session 2 ?
Laurence Paganini : Cela nous a remobilisés sur le niveau d’urgence et donné l’envie d’accélérer la démarche qui était lancée chez nous. L’enjeu va être la construction d’un plan d’actions pour arriver à la disruption – et cela va prendre du temps – et, en même temps, d’accélérer nos engagements actuels.
Yann de Saint Vaulry : Je ne pense qu’à ça, je suis devenu un obsédé du climat ! Au départ, ces sujets étaient surtout politiques pour moi. Je voyais les enjeux comme lointains et pas très crédibles. Ce que j’apprécie dans la CEC, c’est que c’est factuel et rationnel : on prend la mesure de la manière dont on peut tous s’engager concrètement au sein de nos entreprises comme de nos familles.
Morad Attik : Immersion, rencontres, discussions : une grosse claque ! Je viens d’un milieu où ces questionnements passent après les problématiques économiques. Cela m’a interrogé sur mes pratiques individuelles, puis au niveau de l’entreprise. Nous sommes une start-up, donc cela peut aller vite pour les process de décisions.
Guillaume Capelle : La CEC a remis le sujet du climat au cœur de nos activités. La migration est très liée au climat et, dans le débat public, elle est considérée comme une menace alors que c’est une solution car elle permet à des millions de personnes de se mettre à l’abri des dérèglements climatiques. Nous ne l’avions pas assumé en interne mais, depuis la CEC, désormais nous en parlons plus publiquement.
Quel est la conférence ou le thème qui vous a le plus intéressé et interpellé ?
Guillaume Capelle : C’est le modèle économique abordé par Christophe Sempels du centre de formations Lumia : peut-on concevoir un modèle qui soit attractif pour les équipes, convaincant pour les partenaires ou les bénéficiaires, et qui soit viable ? L’histoire des entreprises et de la notion de raison d’être m’a aussi interpellé. L’entreprise en France a 400 ans, et l’entreprise telle qu’on la connaît a seulement 30 ans ! Tout peut changer, c’est une histoire de volontés publique et privée.
Morad Attik : Ce que j’ai trouvé incroyable dans l’intervention de Christophe Sempels, c’est aussi qu’il réussit à démontrer que quand le modèle d’une entreprise ne fonctionne pas, il faut arrêter. C’est difficile à entendre pour un entrepreneur.
Yann de Saint Vaulry : Chez les Américains d’Interface, j’ai beaucoup aimé la façon d’oser dire « Barre à droite » et de tout transformer. Certaines entreprises participantes montrent un exemple d’audace avec des virages radicaux, à l’instar de Vedettes de Paris par exemple.
Aviez-vous déjà réfléchi à la mission ou à la raison d’être de votre entreprise ?
Laurence Paganini : J’ai initié une démarche RSE à mon arrivée il y a huit ans, sur le S de “Social”, notamment du fait de notre implantation à à Marseille dans les quartiers nord. Depuis deux ans, nous structurons la démarche et avons désormais formalisé notre raison d’être : habiller les générations qui veulent changer le monde, pour développer une mode qui préserve et restaure la planète.
Morad Attik : Notre valeur ajoutée chez Evolukid, c’est de pouvoir toucher des milliers de personnes. Ce qui est important pour moi, c’est de faire redescendre les enjeux de la CEC dans tous nos contenus, et je suis là pour vulgariser car, attention, on parle entre experts dans un jargon qui n’est compréhensible que par nous.
Yann de Saint Vaulry : Daxium a pour vocation de connecter les équipes opérationnelles pour travailler mieux. Jusque récemment, je pensais que Daxium était un métier écologiquement vertueux car nous travaillons sur l’amélioration des process et des données, mais la dématérialisation n’est pas neutre en consommation de carbone. Nous devons diminuer notre empreinte et nous allons nous faire accompagner pour cela.
Comment imaginez-vous travailler sur vos modèles économiques ?
Yann de Saint Vaulry : Aujourd’hui, un de nos arguments de vente est de pouvoir travailler hors-ligne car on peut tout télécharger sur sa tablette ou smartphone. Une piste de réflexion pourrait être de mettre un surcoût pour les clients qui voudraient embarquer des énormes volumes de données, et voir de notre côté comment réutiliser et valoriser ce surcoût en quelque chose de vertueux.
Emmanuelle Germani : Nous avons un modèle qui par essence dépend des volumes. Une des premières solutions envisagées est d’augmenter la durabilité des produits, en mettant à disposition un atelier de réparation par exemple. Au sein de notre cordée (1), nous travaillons aussi sur le réusage, le recyclage et la réparation dans l’équipement de la personne et de la maison.
Guillaume Capelle : De par notre nature orientée « économie sociale et solidaire » et « innovation sociale », c’est un effort que nous faisons constamment depuis dix ans de se poser la question de notre modèle économique ! Rajouter la contrainte écologique, c’est un peu la double peine pour les organismes comme les nôtres. Nos entrepreneurs sont déjà exclus de l’économie, leur demander de faire plus d’efforts sur l’écologie que les autres entrepreneurs, peut paraître injuste.
Comment abordez-vous votre écosystème et la notion d’approche systémique ? Autrement dit, comment comptez-vous embarquer vos fournisseurs et parties prenantes pour repenser votre modèle économique ?
Morad Attik : C’est une vraie question. Peut-elle se résoudre dans une logique de dominant-dominé ? Nous sommes toujours le petit face à nos partenaires… Mais nous allons pouvoir inspirer des parties prenantes dans notre écosystème.
Laurence Paganini : Beaucoup d’initiatives dans la mode vont dans le bon sens et vont nous permettre d’aller plus vite. Sur le réemploi des matières par exemple, des start-up fabriquent des bobines sans avoir à utiliser du nouveau coton. Et ce, grâce à un savoir-faire en filature pour recycler des fils de tissus invendus ou de seconde main.
Guillaume Capelle : Notre modèle économique idéal est très dépendant de la manière dont les autres acteurs autour de nous vont évoluer (banques, etc) : le chantier est immense ! Une autre question cruciale est : comment gérer la période d’entre-deux ? Nous arrivons à voir le modèle économique idéal, mais pas encore celui de la transition pour y parvenir.
Que faudrait-il pour aller jusqu’à coopérer avec ses concurrents ?
Emmanuelle Germani : nous sommes très actifs via nos fédérations (Procos (2), ANDRH (3)…) en profitant de ces échanges pour replacer ces sujet au cœur des enjeux, c’est là que nous pouvons toucher nos concurrents et travailler avec eux. Nous sommes des ambassadrices et c’est pour cela que nous nous sommes engagées dans la CEC.
Morad Attik : Nous avons des concurrents mais on est différents et pouvons être complémentaires. Entre autres, nous avons un objectif commun : rendre les futures générations prêtes pour demain.
1. Groupe de travail thématique au sein de la CEC
2. Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé
3. Association nationale des directeurs des ressources humaines
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Laurence Paganini et Emmanuelle Germani
DG et DRH-DSI et RSE de Kaporal : entreprise marseillaise de mode depuis 17 ans dont l’ADN repose sur la fabrication du jeans et qui a, depuis, élargi son offre au prêt-à-porter homme, femme et junior.
Morad Attik
Co-fondateur et dirigeant d’Evolukid : créée il y a cinq ans par deux frères (ingénieur robotique et professeur), Evolukid est une des premières startup de l’ed-tech qui propose des formations aux compétences de demain pour les jeunes (impression 3D, IA, réalité virtuelle…) à travers notamment des partenariats avec des collectivités et des grands groupes.
Yann de Saint Vaulry
Fondateur et PDG de Daxium : entreprise de 40 personnes basée à Nantes, Dubaï et Paris et créée il y a six ans, Daxium équipe les gens du terrain avec une plateforme “no code” collaborative et spécialisée par métier (du réparateur chaudière au contrôle de chantiers et au beauty advisor).
Guillaume Capelle
Fondateur et directeur international de Singa : association française hybride spécialisée dans l’intégration des personnes réfugiées et migrantes, Singa est aussi une grande communauté autour de l’entrepreneuriat pour permettre à ces nouveaux arrivants de monter des projets.
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