CEC Provence-Corse
Session 2
Cap vers le régénératif
9 → 11 Mars 2023
Questionner sa raison d’être, comment réintégrer son activité dans les limites planétaires. Début des contours d’un nouveau modèle économique soutenable, désirable et respectueux du vivant.
La session 2 : ce qui a été vécu
Face au non respect à la fois des limites planétaires et des planchers sociaux, la session 2 a été consacrée à explorer les manières concrètes de revenir dans le « donut » d’une économie respectueuse du système Terre comme des besoins humains. Ses objectifs étaient les suivants :
⇒ recontextualiser la raison d’être des entreprises au regard des enjeux civilisationnels,
⇒ se saisir des principes et critères de soutenabilité forte liés au système Terre, en manipulant la notion d’économie régénérative,
⇒ comprendre les modèles économiques de demain et la trajectoire pour les mettre en œuvre. Questionner son propre modèle d’affaires.
JOUR 1
Soirée de retrouvailles
Soirée du jeudi 9 Mars 2023
Après un verre d’accueil, les retrouvailles démarrent paradoxalement par un Bal du silence au cours duquel les participants découvrent l’identité de leur ange gardien, attribué jusqu’à la fin du parcours CEC. Ils échangent avec lui/elle par écrit, en silence. Lecture par Sophie d’un texte écrit par un participant à l’issue de la session 1.
Témoignage de Alexis Nollet, fondateur et DG d’Ulteria
Un des points de bascule d’Alexis dans l’appréhension de son rôle de chef d’entreprise s’est produit à l’occasion d’une offre de rachat de sa société. Son associé et lui ont alors constaté un désalignement fort avec les acheteurs, uniquement orientés profits, et pris conscience du rôle sociétal / social de leur entreprise.
A cette occasion, et après avoir décliné cette offre d’achat, ils ont plus particulièrement poussé 4 réflexions :
- Une question sur la gouvernance : est-ce que l’entreprise appartient à ses propriétaires ou est-ce qu’ils en sont les ”intendants”, en tant qu’elle est un outil dédié au bien commun.
- Une décision sur la composition de l’actionnariat : ils ont attribué 10% des actions de la holding de tête à un fonds de dotation, via un pacte d’actionnaires qui lui attribue un droit de véto, qualifié par Alexis de “poil à gratter”. Ce fonds de dotation est là afin que l’entreprise ne serve pas que les intérêts de ses actionnaires, et garantir le respect de la mission sur le long terme.
- Un échec : la mise en place de l’holacratie sur laquelle ils sont revenus pour repartir sur un management plus classique, bien que très participatif. Sans condamner l’holacratie il a reconnu des erreurs dans la mise en place.
- Un constat : l’importance de la qualité et de l’éthique des fonds d’investissement.
Alexis présente ensuite sa vision de l’écologie intégrale présentée dans le schéma ci-dessous
Pour Alexis, Ulteria, bien que très en avance sur ces sujets de transition, n’est pas encore une entreprise régénérative qui ne peut aboutir que sur le temps long. Il évoque aussi les difficultés inhérentes aux crises successives et les difficultés financières auxquelles Ulteria fait face actuellement (baisse du bio / énergie etc…).
Enfin, il termine son propos en insistant sur l’importance pour les dirigeants et les entreprise de se fixer des lignes rouges.
Conférence de Marc André Sélosse : “Biodiversité : comment notre lien aux écosystèmes peut être un outil.”
Marc-André décrit le lien entre ce que nous mangeons et la santé des écosystèmes et des acteurs humains de ces écosystèmes. Exemples d’écosystèmes altérés : Les vaches en Inde dopées aux médicaments ont contaminé les vautours, puis une fois la race de vautours éteinte, les chiens, empoisonnés à leur tour.
Il présente One health : l’approche intégrée, systémique et unifiée (ONU, OMS & FDA) de la santé humaine, animale et environnementale dans les années 2000
⇒ la santé de l’environnement ne serait-elle pas celle de ceux qui l’habitent ?
Quand on comprend cette interdépendance, on peut commencer à construire de belles choses. Exemple des interactions bénéfiques dans les campagnes françaises : le rôle des haies. Exemple de l’agroforesterie : une combinaison d’arbres (noyers, peupliers) et de cultures de céréales ou légumes amène un rendement supérieur à l’ha. Il fait un parallèle avec le microbiote , et présente les expérimentations qui visent à soigner par le microbiote d’individus sains. Il souligne ici l’importance de la biodiversité dans l’alimentation.
Présentation de jeune entreprise Mycophyto par Mathilde Clément
Mycophyto assoit son offre à destination de l’agriculture sur le principe de la mycorization “sur mesure” des plants. Cette innovation permet de renforcer la résistance des plants aux maladies et au stress hydrique tout en améliorant leur rendement, sans aucun entrant chimique.
JOUR 2
Un nouveau cap est possible : la régénération
Journée du vendredi 10 Mars 2023
Quelques actus de la planète, des bonnes et des moins bonnes :
→ Nous sommes en sécheresse déjà en mars.
→ Montpellier veut rendre les transports gratuits à l’échelle de la métropole pour réduire les impacts de la mobilité individuelle.
→ Christophe Béchu : “On doit s’adapter à un monde à +4°C”. Beaucoup de réactions et une vrai prise de conscience sur l’adaptation nécessaire. L’adaptation était impensable jusqu’à il y a peu.
→ Un accord a été signé à l’ONU sur la protection de la haute mer.
→ Les populations d’insectes s’effondrent.
→ Brésil : baisse de la déforestation en Amazonie depuis le retour de Lula.
→ Al Gore au World Economic Forum dénonce l’inaction et l’hypocrisie politique. Son émotion a fait la risée des réseaux sociaux, cela montre la difficulté de faire comprendre les émotions que ces réalités peuvent donner.
Conférence de Christophe Sempels : Cap vers un modèle économique régénératif
Premier mouvement : comment passer d’une logique de réduction des impacts négatifs à une logique d’impact positif net. A iso modèle économique, cela est impossible, il faut donc travailler sur le modèle économique.
Deuxième mouvement : générer des impacts positifs nets. Seul le vivant dispose de capacité de régénération.
Définition de la régénération : mettre la vie et le vivant au centre de chaque action et décision (Hawken, 2021) et soutenir et dynamiser la vie sous toutes ses formes (humaines et non humaines) et améliorer la capacité des systèmes socio-écologiques à fournir les services écosystémiques dont ils sont porteurs (Casadiego, 2021).
Comment mener ces mouvements ?
- En mettant en cohérence modèle économique et raison d’être
- En intégrant une dynamique de performance qui doit être construite sur un rationnel de gains d’efficience
La transformation de modèle permet une distance par rapport à la logique volumique. Elle passe par l’intégration de toutes les externalités du produit dans le modèle de valeur. Elle est souvent constituée d’une évolution vers des solutions intégrées, en passant d’un modèle économique centré moyens à un modèle centré effets sur lequel des gains d’efficience peuvent être engrangés.
Témoignage de l’entreprise Redman, alumni (Sophie Rosso)
Redman est un alumni de la première édition de la CEC. Une de leurs réalisations est notamment The Camp où nous nous trouvons. La bascule de Redman, aujourd’hui labellisée B Corp et entreprise à mission, s’est produite à partir de 2017, par une prise de conscience ses dirigeants. Car le modèle d’affaires de la promotion immobilière est un modèle linéaire : un modèle où chaque intermédiaire prend sa marge, source d’augmentation des prix et d’injustice sociale.
Il a fallu 1 an pour embarquer le Comex, avant de se tourner vers les équipes (pour lesquelles les Fresques ont été un outil très utile). Aujourd’hui, Redman se concentre sur la réhabilitation pour lutter contre l’étalement urbain, ainsi que sur les constructions bio sourcées. L’entreprise publie et diffuse des “guides de la construction durable bas carbone” pour accélérer la transition du secteur. Redman a entériné ce modèle par une récente levée de fonds de 30M avec un fonds “classique”. Elle explore de nouveaux modèles : hospitality, foncière solidaire, promotion. Nicolas Ponson, son dirigeant, estime pourtant qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir….
Témoignage Guillaume Desmurs : ‘Les stations de ski en transition, ou pas”
Le modèle éco des stations de ski repose sur celui de l’immobilier, en écho à celui qu’a évoqué Sophie Rosso. L’imaginaire du ski date des années 30. Mussolini est à l’origine de la première station de ski dédiée au ski alpin (Sestrière, Italie). Courchevel a été lancée en 1945. L’énergie peu chère et le baby boom ont porté le développement de l’industrie des loisirs de montagne. L’hiver de 1970/71 (trop d’enneigement et une énorme avalanche) marque un frein et entraîne un début de prise de conscience… verbale seulement. Puisqu’aujourd’hui encore le Club Med construit un village colossal à Tignes. La neige artificielle nécessite les éléments dont la disponibilité est en tension aujourd’hui (eau, froid, électricité).
Cette hiver, les stations voient leurs résultats nets absorbés par le coût de l’énergie. Elles devraient être majoritairement déficitaires. Or les grands acteurs économiques (y compris la Compagnie des Alpes) ne sont pas intégrés aux territoires et fonctionnent le plus souvent par DSP ou foncières et se retireront des territoires quand la rentabilité n’y sera plus, au détriment des populations locales qui sont, elles, impactées. Le modèle est particulièrement difficile à craquer, et son maintient est irrationnel.
Table ronde sur les nouvelles coopérations (Guillaume Desmurs, Christophe Sempels, Sophie Rosso)
Camp de base #1
L’après-midi est dédié à un camp de base structurant pour le reste du parcours. C’est le moment où les participants ont dû :
⇒ Faire un état des lieux de leur modèle de valeur et de ses externalités (le modèle d’affaires),
⇒ Mesurer que des adaptations à la marge ne suffiront pas et que pivoter est nécessaire,
⇒ Poser une première version de la question générative qui les amènera à proposer un nouveau modèle d’affaires par la suite.
JOUR 3
Imaginer collectivement ce nouveau cap souhaitable, désirable et réaliste
Journée du samedi 11 Mars 2023
A l’issue d’un réveil matinal proposé autour d’un choix entre QiGong, méditation et yoga, l’équipe CEC introduit la première conférence par le rappel du contexte de la session, et de son intention : faire un détour par le futur pour challenger sa question générative.
Conférence de Daniel Kaplan sur les imaginaires et l’entreprise
L’intervention de Daniel consiste en un exercice de fiction. Il est important de faire cet exercice, car d’ici 20, 30 ans, des choses évidentes ne le seront plus (eau , énergie etc…), et cela touchera toutes les dimensions de toutes nos activités. On retrouve des mots comme “rationnement” (ex de l’eau dans le sud). Il faut se préparer au monde de l’intermittence vs le monde de la continuité.
Camp de base #2
Toujours dans un contexte de projection vers le futur, les participants approfondissent le travail sur leur question générative.
Conférence conclusion par Thomas Breuzard et Léa Falco
Thomas Breuzard (Norsys) détaille la notion de la Perma-entreprise (vs la RSE).
En appliquant concrètement ce modèle à son entreprise, Thomas confirme que c’est aussi un outil d’innovation.Il applique ainsi 3 principes éthiques avec lesquels il faut mettre la Raison d’être en cohérence :
⇒ Préserver la planète
⇒ Se fixer des limites et partager le surplus
⇒ Prendre soin des êtres humains, et pas seulement de l’environnement ⇒ “permanagement”.
Léa Falco propose un jeu “Greta-Antonio”, sur qui a dit les citations présentées. Il permet de réaliser que leurs discours sont assez confluents. Les sujets / projets qui doivent être portés à l’oreille des décideurs doivent être portés par des entreprises telles que celles des participants. Le statut quo profite aux organisations qui n’ont pas intérêt à changer, qui sont souvent les plus pollueurs.
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