Présidentielle
Le résumé
Quel déclic environnemental ?
Jean Rottner et Valérie Pécresse partagent le même déclic environnemental : le choc de découvrir l’état de leurs forêts régionales respectives, impactée lourdement par les conséquences du changement climatique (notamment la sécheresse). À son échelle, le conseiller et président de la région Grand-Est affirme avoir agi des suites de ce déclic : “j’ai mis toutes mes forces et mon énergie à structurer la filière”. Une démarche qui commence à porter ses fruits selon lui. De manière générale, Jean Rottner insiste sur la volonté décentralisatrice de Valérie Pécresse : “ce sont des sujets ou il faut revenir au plus près des territoires pour organiser au mieux et devenir plus efficace”. À ce titre, la candidate propose notamment une régionalisation de l’Ademe et de l’ONF.
Compter ce qui compte vraiment : comment ?
Le conseiller détaille sa volonté de mettre en place un dialogue entre les entreprises et le monde politique afin d’inventer un “PIB de la qualité”. La mise en place de ce nouvel indicateur passe une nouvelle fois par un renforcement du pouvoir des territoires. “Les objectifs du Grand-Est ne seront pas les mêmes que ceux de l’Occitanie” : il s’agit de les construire des indicateurs adaptés à la taille, la densité, et les enjeux des territoires. Il serait alors de la responsabilité du nouveau poste de ministre de l’Environnement et du Développement durable de superviser de manière transversale cette planification dans la durée.
Quelle planification pour la transformation de l’économie française ?
Les objectifs de relocalisation de la candidate nécessitent selon Jean Rottner de former et d’accompagner les acteurs économiques, industriels français sur l’ensemble du territoire. En amont il serait nécessaire d’induire ce que Valérie Pécresse appelle un “choc de modernisation et de réorganisation”. Jean Rottner, qui représente Valérie Pécresse ne craint pas les l’effet retardateur de la compétitivité sur ces transformations. Au contraire, il évoque une “compétitivité qualitative”, ayant parfois un coût d’investissement important mais qui améliore la capacité de vente par l’aspect vertueux de son cycle de production.
L'analyse
Quelle conscience environnementale avez-vous ressentie dans les propos de Jean Rottner et le programme de Valérie Pécresse ?
Nous ne mettons pas en cause le déclic environnemental du conseiller qui nous a semblé extrêmement sincère. Nous nous demandons toutefois si le candidat est réellement conscient de l’urgence d’agir. Ce questionnement trouve son origine dans l’absence de caps et d’échéances clairs présentés lors de la conversation. Entre également en ligne de compte le flou caractérisant le programme environnemental de la candidate, notamment en termes de budget consacré au climat.
La discussion était articulée autour de trois idées : conscience et formation dans les mondes politique et économique, mesure d'indicateurs autres que le PIB et transition de l'emploi. Les propositions vous ont-elles convaincus ?
Nous avons beaucoup apprécié l’utilisation par Jean Rottner d’exemples et de mesures concrètes mises en œuvre dans le cadre de son mandat (relatifs notamment à la relocalisation d’emplois liés à la transition écologique, dans sa région du Grand Est). En revanche, nous regrettons sa volonté de ne pas recourir à la réglementation, considérée comme “punitive”, pour engager les entreprises dans la transition. Le manque de clarté sur un équilibre à trouver entre incitation et contrainte représente selon nous un écueil majeur du programme de la candidate.
Si Jean Rottner et Valérie Pécresse étaient amenés à travailler sur un deuxième Projet de Loi Climat, que leur suggéreriez-vous d'y mettre ?
Nous questionnons l’idée de la candidate de se concentrer sur la compétitivité comme levier pour la transition écologique. Notre expérience de la compétitivité telle qu’entendue habituellement est qu’elle encourage l’optimisation individuelle sans prise de responsabilité collective sur les externalités de son industrie.
La mise en place d’un cadre incitatif et coopératif nous semble être la seule solution pour sortir du statu quo et inciter les entreprises à passer d’un modèle de pur profit à un modèle à impacts positifs pour la société.
Le programme de Valérie Pécresse
Valérie Pécresse annonce que l’objectif de la France d’ici à 2030 « sera revu en fonction du nouvel objectif qui aura été convenu avec la Commission dans le cadre de la répartition de l’effort entre Etats » européens.
Pour rappel, la France vise une baisse de ses émissions de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990, et l’Union européenne a récemment revu à la hausse son objectif pour 2030 : le prochain président devra négocier avec les institutions européennes ce que cela implique pour la France.
La France a aussi pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif qui « est bien sûr maintenu » selon la candidate.
Valérie Pécresse privilégie fortement les investissements privés pour faire la transition. Pour inciter les ménages et entreprises, elle mise sur des mesures visant à faciliter l’accès à l’emprunt et à orienter l’épargne privée : prêt à taux zéro pour l’acquisition de véhicules « propres », création d’un « Livret Vert » pour réorienter l’épargne privée vers le financement de la transition écologique,
mise en place de la taxonomie européenne, alignement des labels de finance durable « sur la nouvelle politique énergétique nationale ».
Par ailleurs, la candidate a plusieurs propositions concernant l’efficacité des financements publics, d’abord dans une logique d’efficience visant à atteindre l’objectif climat fixé à moindre coût. Elle souhaite ainsi orienter les financements publics suivant leur efficacité sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Son équipe veut se référer au coût d’abattement des émissions de gaz à effet de serre pour évaluer les politiques publiques, avec des « référentiels de contrôle » publiés en même temps que les dispositifs d’aide.
Par ailleurs « une mesure d’efficacité rigoureuse pour chacune des actions publiques sera instituée à fréquence annuelle, avec l’appui de l’Ademe, et le bilan sera partagé chaque année avec le Parlement en amont des débats budgétaires ».
Le coût pour l’Etat, et plus généralement pour les pouvoirs publics, des mesures favorables au climat dans le programme de Valérie Pécresse n’a pas été estimé par son équipe. Elle assume que « le volume de dépenses publiques dépendra chaque année de l’équation budgétaire globale ».
Pour financer une éventuelle hausse des dépenses pour le climat, elle ne compte ni sur l’endettement ni sur une hausse de la fiscalité, mais plutôt sur un « choc de compétitivité et de pouvoir d’achat », ainsi que sur « les allocations du budget européen vers des projets nationaux bas carbone » qui sont appelées à jouer « un rôle clef ».
Pour donner de la visibilité pluriannuelle sur le budget de l’Etat pour le climat, Valérie Pécresse compte sur la loi de programmation des finances publiques.
Valérie Pécresse veut financer la transition écologique par des incitations plutôt que par des taxes. En effet, Valérie Pécresse rejette « une écologie punitive », ce qui se traduit dans son programme par l’absence de mesures d’ordre réglementaire et peu de mesures fiscales : si la fiscalité écologique est appelée à être « transparente et constante pour les ménages et les entreprises françaises », Valérie Pécresse souhaite éliminer progressivement « les subventions aux énergies fossiles ».
Valérie Pécresse entend « sanctuariser la fiscalité écologique existante, qui met en œuvre le principe pollueur-payeur », le montant des prélèvements restant constant pour les ménages et les entreprises françaises. Elle veut tout de même que « les subventions aux énergies fossiles [soient] progressivement éliminées ». Pour apporter « toute transparence aux Français » sur l’argent issu de la fiscalité écologique, une condition de son acceptabilité, Valérie Pécresse propose que ses recettes soient utilisées soit pour « les aider à faire face à leurs dépenses de transition, soit leur [soit] redistribué intégralement ». Elle ne précise pas à ce stade les modalités d’une éventuelle redistribution.
Enfin, face aux enjeux de compétitivité, elle entend porter au niveau européen la mise en place d’une « taxe carbone aux frontières de l’UE substantielle ». Cette taxe est actuellement négociée entre les institutions européennes sous la dénomination de « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ».
Pour donner de la visibilité pluriannuelle sur le budget de l’Etat pour le climat, « le volet budgétaire et fiscal pluriannuel en matière d’écologie sera, comme c’est l’usage, développé dans le cadre d’une loi de programmation des finances publiques ».
Pour la candidate, ce volet sera « notamment la déclinaison d’une future loi d’orientation et de programmation pluriannuelle de l’énergie ». Par ailleurs, elle souhaite mettre en place « une mesure d’efficacité rigoureuse pour chacune des actions publiques [...] à fréquence annuelle, avec l’appui de l’Ademe, et le bilan sera partagé chaque année avec le Parlement en amont des débats budgétaires. ». Lors du « débat du siècle », organisé sur Twitch par quatre ONG le 13 mars, la candidate a annoncé son intention de « refaire un Grenelle de l’Environnement ».
Prix de l’énergie
Face à la hausse des prix de l’énergie, Valérie Pécresse entend porter « une réforme du tarif régulé » de l’électricité. Elle veut aussibaisser à 5,5 % la TVA qui s’applique aujourd’hui sur les taxes sur l’électricité. Enfin, elle souhaite indexer les indemnités de frais kilométriques sur les prix des carburants tout en supprimant le plafond de distance entre le domicile et le travail.
Accords commerciaux
Outre la taxe carbone aux frontières, Valérie Pécresse souhaite mettre en place la « réciprocité des standards commerciaux et de nos normes » pour les produits agricoles. Elle veut également généraliser les « clauses minimales de contenu carbone dans tous les contrats publics et privés pour favoriser nos circuits courts agricoles comme industriels ».
Mobilisation de l’épargne privée
Valérie Pécresse souhaite réorienter l’épargne privée vers le financement de la transition écologique pour faciliter l’accès de tous les acteurs à l’emprunt, via la création d’un « Livret Vert » qui fusionnerait le Livret A avec le Livret de Développement Durable. Elle compte également sur l’impact de la taxonomie européenne sur les institutions financières, et sur l’alignement des labels de finance durable sur la « nouvelle politique énergétique nationale ». Les institutions financières « spécialisées, comme les banques privées, devront s’yconformer ».
Décarbonation de l’industrie
Sur le sujet de l’industrie, Valérie Pécresse veut « réindustrialiser la France pour réduire [son] empreinte carbone globale ».